k tout compte fait ce n'est pas tant Surfwise qui m'intéresse que ce qu'il suggère sur la norme et la marge de la société. Du coup, je me demande quel est le pourcentage de gens qui, dans les sociétés industrielles, passent complètement à travers les gouttes, ne sont répertoriés nulle part, n'ont aucune existence officielle, mais pourtant existent. Il suffit de ne pas avoir été déclaré à sa naissance et de ne jamais avoir eu à donner son nom quelque part (jamais ni téléphone, ni abonnements quelconques). D'ailleurs, dans le même ordre d'idées, il est possible que des personnes n'aient pas de nom. Evidemment c'est assez compliqué mais possible. En Papouasie ou en Amazonie, c'est plus facile.
Bon, cela dit, je commence à me lasser du cinéma, ce que je ne dirais sans doute pas si on voyait tous les jours des films de Tati. En ce moment, j'ai l'impression de n'assister qu'à des mascarades de bas étage. Et non seulement les Français demeurent des incapables en ce qui concerne le cinéma de genre, mais ils ont en plus la prétention de faire des films américains [réflexion valable pour le rock : on n'a pas encore vu un groupe de rock français qui produise autre chose qu'une imitation appliquée – dans le meilleur des cas]. C'est ce que j'ai constaté avec deux productions Europacorp (Luc Besson) vues coup sur coup.
D'abord un film de mafia, Little New York (Staten Island en v.o.) produit par Besson et Pascal Caucheteux (Why Not) et réalisé par un certain James DeMonaco, scénariste de Jack de Coppola et du remake de Assaut de Carpenter par Richet. Une pure production française, tournée à New York avec des acteurs comme Ethan Hawke et Seymour Cassel. Le hic c'est que c'est un film gigogne avec différents aspects de la même histoire narrés du point de vue de plusieurs personnages. Voir le personnage (chargé) de Seymour Cassel, un traiteur italien sourd-muet qui fait disparaître les cadavres pour la mafia. Il gagne au tiercé, mais ne sait pas quoi faire de l'argent, puis met un point final à l'histoire. Pourtant on ne sait rien sur lui, il n'a qu'un intérêt mineur. C'est une fiction entropique, qui avance, qui avance, mais sans but précis. Une variation sur Les Soprano (surtout le début) avec des touches scorsesiennes, mais sans consistance. Idem pour I love you Phillip Morris (dont Besson est le producteur délégué), distribué par Europacorp, qui n'est qu'un Arrête-moi si tu peux (film de Spielberg avec DiCaprio), version gay. En dehors du titre, seul aspect amusant car c'est un pied de nez (involontaire puisque c'est un vrai nom) à l'antitabagisme américain, le film met tellement les bouchées doubles qu'il finit par gaver. Au lieu de nous montrer comment le héros accomplit des escroqueries et les fait gober à ses interlocuteurs, on se sert de tours de passe-passe. Genre, on monte la musique au moment clé. Cela ressemble à la bande annonce d'un film qui devrait durer vingt heures. Le seul a être comblé c'est Jim Carrey, l'acteur principal, qui peut ainsi ajouter une nouvelle facette à sa panoplie de clown. Hélas il a rarement dépassé son numéro de The Mask qui, lui, peut être considéré comme la bande annonce de toute sa carrière. Exception majeure, certes : l'immarcescible Man on the moon de Forman.
A part ça, le québécois J'ai tué ma mère est un gentil exercice de style, surtout à cause de sa fraîcheur juvénile, rappelant un peu Buffalo 66 de Gallo. Genre : on (dé)cadre en dépit du bon sens les champs/contre-champs entre deux personnages, de façon qu'on n'a même pas l'impression qu'ils se parlent. Mais je trouve justement ça très bien ; cette pose un peu naïve de Xavier Dolan, acteur-réalisateur d'à peine 20 ans, a du charme… J'aime beaucoup moins ses constants effets à la Wong Kar-Wai. Musique plagiant celle de In the mood for love et ralentis extrêmes. Une fois ça va, dix fois c'est trop. Le cinéaste se justifie en parlant "d'hommage”. Elle est bien bonne…
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