15.1.10

Kurosawa 2

resurvolé le livre d'entretiens de Kiyoshi Kurosawa *. L'inconvénient est que celui qui dialogue avec lui, son ami critique, également réalisateur, Makoto Shinozaki, connaît si bien Kurosawa qu'il a tendance à répondre à sa place. Ses questions sont souvent bien plus longues que les réponses. Mais on entrevoit beaucoup de choses sur le fantastique, l'horreur japonaise, dont on s'aperçoit qu'on ne connaît pas finalement grand chose et que les œuvres les plus importantes du genre ne sont jamais sorties en France. Dans cet ouvrage trop bref, Kurosawa parle essentiellement de ce genre, remettant certaines pendules à l'heure et s'attardant sur son panthéon de l'horreur. Exemple : “Ma passion pour les films d'épouvante a abouti à une admiration inconditionnelle pour le cinéma lui-même, et Le moulin des supplices [de Giorgio Ferroni] a été le point de départ”. Film italien des années 1960 que je ne connais pas mais que Kurosawa donne envie de voir : “Dans la plupart des films d'action, la mort d'un personnage ne prend qu'une seconde ; dans les films d'horreur et d'épouvante, elle dure un certain temps. Le moulin des supplices va encore plus loin : il prend le parti de montrer différents états intermédiaires entre la vie et la mort.” Par ailleurs il parle longuement de Dreyer — de Vampyr en particulier —, avec lequel il avoue avoir un “lien mystérieux”. En revanche, il semble détester ou bien dédaigner Hitchcock, se gaussant de la fausseté de la scène de la douche de Psychose car on ne voit pas les impacts (coups de couteau). Il décrit également les plans du visage de Tippi Hedren dans Les Oiseaux, quand elle assiste à l'incendie de la station d'essence : “Il n'y a que Seijun Suzuki pour se moquer ainsi des gens. C'est comme si Hitchcock disait : "Voilà, c'est ça le cinéma. Ah ! Ah !" Je déteste ça ! Quand on regarde attentivement ses films, on se rend compte qu'il pratique souvent ce genre de choses.” On aurait aimé en savoir plus, mais, hélas, Kurosawa ne s'étend pas sur le sujet. En revanche, il ne tarit pas d'éloges sur Richard Fleischer, et en particulier sur son Etrangleur de Boston, qui aurait été la matrice de Cure : “La manière dont Fleischer met en scène la confusion du héros, ses efforts pour se rappeler son passé, est très audacieuse. J'admire ce film.” Il y a aussi de nombreuses réflexions sur la série Z horrifique, que je connais mal. Kurosawa explique par exemple qu'il préfère certains films de Lucio Fulci, même s'il ne les trouve parfois “pas très bons cinématographiquement”, aux opus respectés de George Romero. Un autre de ses films culte est Le Corps et le fouet de Mario Bava. On apprend également que Les Dents de la mer de Spielberg a inspiré un de ses premiers films, Sweet Home (1989), dont il est beaucoup question. Hélas, on ne l'a pas vu en France. Une grande partie de la filmographie de Kurosawa reste enfouie (son film Door III n'est sorti qu'en DVD, tout comme un de ses chefs d'œuvre, Doppelgänger ; et je n'ai pas réussi à convaincre son distributeur, Arte, de sortir son étonnant Aride illusion). Espérons que le succès critique de Tokyo Sonata en 2009 permettra que le reste de ses films sorte enfin. Autre cinéaste clé pour le Nippon : Tobe Hooper. Son Massacre à la tronçonneuse est un des films de chevet de Kurosawa, qui ajoute : “c'est Massacres dans le train fantôme qui a été décisif pour moi. J'ai compris en voyant certaines images qu'Hooper et moi partagions le même univers : le wagonnet de manège chargé d'une victime et roulant doucement ; les rouages en marche sous la baraque foraine à la fin du film et par lesquels le monstre est lentement broyé… Le but d'Hooper n'est pas de choquer par de la cruauté gratuite. L'une des choses qui l'intéressent, c'est de mettre en scène la mécanique implacable qui conduit à la mort. A l'écran cette mécanique fatale se manifeste à la fois comme motif et comme mouvement du récit.”
* Mon effroyable histoire du cinéma (Ed. Rouge profond, 2008)

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