17.12.09

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erratum : Lovely bones sortant le 10 février, il sera en lice pour la compétition de 2010. Pour le remplacer je propose Hôtel Woodstock de Ang Lee, auquel je décerne le Navet d’Or 2009


petite explication de texte sur le Best of 2009 :

Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa — ça fait longtemps que je cite Kurosawa dans mes best of annuels. D’habitude je suis un peu seul. Cette année, K est sorti du genre fantastique, alors on a crié au miracle, on a décrété qu'il était sauvé, qu'il était enfin devenu adulte. Je pense qu'il est plus grand dans le fantastique — la scène où le garçon joue du piano à la fin, est limite putassière, téléramesque —, mais il y a d'autres aspects très réussis, donc je le classe encore dans les meilleurs cette année. Je me souviens de Cronenberg, méprisé par la critique bien pensante à l’époque de Scanners et même Vidéodrome, qui est devenu soudain un génie lorsqu’il est sorti du genre. La critique et les festivals peuvent tuer des cinéastes, en faire des académiciens bien pensants et bien filmants. Cronenberg est un bon exemple. J'ai trouvé son Eastern promises assez médiocre dans l'ensemble, bien que tout le monde se soit extasié

Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki — je n’avais pas été convaincu par ses précédents films. Mais là il a retrouvé le sens de l’espace et des éléments. Le plus grand des cinéastes animistes/panthéistes

Un lac de Philippe Grandrieux — idem, son incursion branchée en Bulgarie dans un hôtel de passe m’avait beaucoup déçu (horrifié). Là il renoue avec la simplicité du conte de fées qui faisait la force de Sombre

Gamperaliya – changement au village de Lester James Peries — pas une découverte, mais une confirmation : LJ Peries est le Satiyajit Ray sri-lankais

Winnipeg mon amour de Guy Maddin — lui aussi me déçoit en bien en mêlant documentaire et fiction comme il ne l’avait jamais fait. Son idée de série (dans le film) sur un homme qui à chaque épisode se tient sur le rebord d’une fenêtre d’immeuble, prêt à sauter (Ledge man), est excellente. Il devrait la tourner… “The Forks, the Lap, the Fur”. J'ai découvert jadis qu’on tournait des dizaines de films canadiens anglais chaque année et qu'ils ne sortaient presque jamais chez nous (conséquence évidente du protectionnisme yankee). Pourtant j'en avais vu de fort singuliers

Irène d’Alain Cavalier — j’ai hélas loupé tous ses autres films intimistes en vidéo. Mais là c’est formidable. Le cinéaste qui me rend le plus jaloux et me (re)donne le plus envie de tourner des films

Panique au village de Vincent Patar et Stéphane Aubier — j’ai été très agréablement surpris de constater que le critique du Village Voice, le recommandable Jim Hoberman, était très dubitatif sur Avatar, et citait comme contre-exemple Panique au village, dont la fantaisie et le sens de la couleur étaient pour lui infiniment supérieurs…

Les Herbes folles d'Alain Resnais — Resnais, idem, remonte dans mon estime avec ce film que je n’aime pas intégralement, mais dans lequel le sens de l’incertitude, les variations infinies du récit à partir d’un énoncé de départ élémentaire, me semblent approcher ce qu’on pourrait appeler un total délire fractal —— et puis j'ai redécouvert Sabine Azéma, que certains détestent, mais que j'ai, moi, toujours rêvé de voir en méchante de film d'horreur

Lettre à la prison de Marc Scialom — extraordinaire incunable, qui est le seul film poème de l’année : mélopée hypnotique des mots et des plans. Franchement, un vrai dépaysement, comme disent les guides touristiques

Les Chats persans de Bahman Ghobadi — jamais vu un film iranien aussi ludique et rentre-dedans. Musicalement excellent de surcroît. Si on pouvait avoir l’équivalent en France…

Violent days de Lucile Chaufour — un peu la réponse française aux Chats persans, mais exclusivement sous l’angle (rétro) du rockabilly. J’ai aimé l’alternance permanente entre fiction et documentaire, et l’association entre rock’n’roll et monde ouvrier. Il y a aussi une vraie beauté formelle. Dommage que la réalisatrice, qui joue le rôle principal, ne joue pas dans d’autres films

The pleasure of being robbed de Joshua Safdie — le film américain le plus libre et ludique de l’année. J’ai adoré cette impression permanente d’imprévu, ce plaisir fou et idiot de filmer. Le seul dont je suis sorti quasiment euphorique

Wendy and Lucy de Kelly Reichardt — un film social mais pas misérabiliste. Ce qui est formidable c’est le côté infinitésimal du récit. La vraie vie n’est pas ailleurs. Elle est là

petite remarque à propos de la notion de sauvagerie et d’animalité. Dans Fantastic Mr. Fox, le héros, un renard (voix de G. Clooney), ne cesse de rabâcher qu’il est un animal “sauvage”. Cette sorte de méthode Coué semble servir d'alibi et de contrepoint à sa vie, à son attitude, à son mode de vie civilisé (il est journaliste). Les trois derniers films qui évoquent le plus l’animalité et la vie sauvage sont des films d’animation : Max et les maximonstres, dont le titre original est précisément : “La où se trouvent les choses sauvages” ; Avatar, sans doute le film le plus sophistiqué, techniquement, de tous les temps ; et Fantastic Mr Fox, animation plus à l’ancienne. Ceux qui revendiquent la sauvagerie sont des laborantins en blouse blanche travaillant dans les officines aseptisées (enfin pas Spike Jonze, mais de toute façon c’est une façon de parler). Il va y avoir un film sur la vraie vie sauvage, intitulé Océans (taxé de “naturaliste” dans le Film Français), mais c'est une vision très clean de la mer et des poissons, décorative, presque plastique (d’où un passable ennui pendant de longs moments). Sans parler de l’inévitable cache-sexe musical. Ceci pour dire que tous ces cinéastes qui n’ont que le mot “sauvage” à la bouche, qui pleurnichent sur le sort des Indiens (Avatar), devraient prendre leur caméra et aller tourner la fiction la plus roots possible quelque part dans un coin encore un peu préservé. Ça me convaincrait plus que ces Stroumpfs géants dépositaires d’une pseudo-sagesse ancestrale, tout droit sortis du cerveau d’un cinéaste hypocrite qui, il y a quelques décennies, cautionnait à fond (dans True Lies) le racisme qu'il fait mine de dénoncer aujourd'hui — P.S. tout à coup, je me rappelle que Cameron est né au Canada, mais ça ne change rien au problème


note connexe, qui recoupe mes réflexions précédentes : à quoi sert une critique qui vole au secours du succès ? Je ne dis pas qu'il faut seulement aimer et défendre ce qui est obscur, caché, bizarre, souterrain. Je dis que les critiques qui ont le même goût que le public international, qui sont autant asservis aux visions et valeurs du cinéma américain, ne servent quasiment à rien. Je sais qu'on va me répondre que là n'est pas le but recherché, que ce qu'on veut mettre en évidence c'est une plus value esthétique cachée dans le cinéma hollywoodien, qu'il soit commercial ou non (ou dans les séries télé, nouveau dada). Oui mais pourquoi seulement les Etats-Unis ? Sont-ils seuls à faire du (bon) cinéma ? Le grand spectacle a-t-il besoin d'une caution intellectuelle. Si on met en avant une quelconque politique des auteurs, je ne vois pas où sont les nouveaux auteurs. Quels sont-ils ? Michael Mann, James Cameron, Paul Greengrass ? Et Tim Burton ? A la trappe ? Et Sam Raimi (on a glosé sur Spiderman 1 de long en large) ? Oublié ? Et les frères Wachowski ? Et Michael Bay, bon ou méchant ? Tout ça n'a pas de sens. On défend l'un ou l'autre bec et ongles, puis peu de temps après, il est soudain has-been, et on le remplace par un autre sans état d'âme. Ça ne ressemble nullement à la théorie des auteurs d'antan où Hitchcock et Hawks (ou même Welles) étaient des dieux indéboulonnables. Ici on ne voit qu'un registre : la consommation immédiate. Un clou chasse l'autre. Si on pense que James Cameron ou Richard Kelly sont des auteurs, il serait bon de s'atteler sérieusement à la tâche pour le démontrer. Sinon, tout est condamné à une amnésie et un recyclage permanents. Pas la peine de s'exciter toutes les cinq minutes pour trois fois rien

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