11.12.09

{ avasteaktartare }


gentil, mais assez hésitant sur le style, le ton, voire le sujet, La terre de la folie de Luc Moullet est une docufiction ou une fiction documentaire sur des meurtres commis dans les Alpes de Haute Provence, plus précisément dans un pentagone que le cinéaste délimite lui-même avec un élastique sur une carte devant la caméra. Est-ce autre chose qu’une version gentiment rigolarde de ces émissions très en vogue à la télé sur les faits divers, type Faites entrer l’accusé ? Le pentagone reste l’idée la plus originale. Mais j’ai préféré l’entretien du dossier de presse, où Moullet explique que l’idée du film provient de sa manie des listes. A l’occasion, il défend sa politique de films à budget réduits, au diapason de son existence frugale, ajoutant que “de toute façon, le film le plus cher d’un cinéaste est presque toujours le plus mauvais, ou en tout cas le plus décevant”. Il cite en exemple Cléopâtre, Les 55 jours de Pékin, L’étau, Le Messie, La terre des Pharaons, Simon le pêcheur, Le Sang des autres, La sirène du Mississippi, Tout va bien, Ali Baba, Un sac de billes, Casanova, etc. Cela correspond exactement à ma vieille théorie selon laquelle au-delà d’un certain budget, on ne peut pas faire un film valable. Quand un film coûte très cher, le réalisateur doit sans cesse rendre des comptes, et il lui est matériellement impossible de tout contrôler. Il est prisonnier de ce budget, contraint à toutes sortes de concessions par les épiciers qui l’ont financé et espèrent non seulement rentrer dans leurs frais mais faire des gros bénéfices. On peut appliquer ce principe à James Cameron qui, après avoir crevé le plafond du box-office avec son Titanic, est condamné aux mégabudgets et aux mégarecettes. Certes son Avatar n’est pas le plus gros budget de tous les temps, et certains avancent des sommes farfelues, mais, quoi qu’il en soit, son budget est supérieur à celui de Titanic : environ 230 millions de dollars, selon la source la moins inflationniste (sans compter le poste pharamineux du marketing). Cameron doit donc obligatoirement ratisser large, et viser le public familial (parents et enfants) pour rentabiliser sa camelote. D’où la mièvrerie du produit final, qui ressemble exactement à ce que je prédisais (Apocalyse now meets Bambi). Je ne m’étendrai pas sur le fait qu’il a fallu des milliers de produits chimiques, des tonnes d’ordinateurs, de machines, une ingénierie gigantesque pour produire cet hymne lyophilisé et bariolé (au-delà de l’entendement) à la vie sauvage*. Et les produits dérivés made in China, ils sont BIO ?

* comme dit le critique de The Guardian, It really is like a Yes album cover come to life.” Ça ressemble à une pochette de disque animée du groupe Yes…

Je ne vais pas m’étendre sur le fond ni le sujet du film, qui me font tordre de rire. Ce n’est qu’un produit de fête foraine parmi d’autres. A propos de gadget de fête foraine, on nous impose les lunettes car c’est projeté en 3D, procédé qui n’est toujours pas au point, provoque un réel inconfort visuel (j’enlevais tout le temps les lunettes) et a le défaut d’assombrir l’image (l’exposition est plus juste sans les lunettes). Je suspecte qu’on utilise le 3D uniquement pour servir de parade au piratage (plus difficile à copier). Autrement je ne vois pas l’intérêt. Ils ont inventé un faux nouveau procédé, le “RealD 3D” : “Le Real3D crée une profondeur qui vous plonge au cœur de l’action, que vous marchiez au côtés des héros dans un monde nouveau ou que vous cherchiez à éviter des objets qui semblent voler à travers la salle”. Ceux qui nous racontent que le relief a énormément évolué sont des menteurs. Dans les années 80, voire 50, le relief en était pratiquement déjà au même stade (on utilise les lunettes polarisantes depuis longtemps). Vous pourrez bientôt le vérifier avec une rétrospective de films en relief à la Cinémathèque Française.

Par ailleurs, je remarque que sans faire injure à Cameron en lui disant qu’il a copié sur les aventures des Stroumpfs, il est clair qu’il a pompé sur La planète sauvage de Laloux (d’après Wuhl) et aussi sur le moins connu et plus récent (2003) Kaena, la prophétie, de Chris Delaporte et Pascal Pinon (bande-annonce clic ®). Notamment cette histoire écolo new-age d’arbre géant, comme source de vie et habitat tribal (on retrouve aussi ça dans Eden Log de Franck Vestiel). Selon certains, il se serait en plus inspiré du récent film d’animation Delgo (où on trouve des montures volantes similaires), qui a l’air bien plus délirant qu’Avatar. Je ne m’étendrai pas non plus sur la référence aux peuples dits primitifs, qui est du niveau maternelle, par rapport à ce que l’on peut lire dans les best-sellers séminaux de Carlos Castaneda ou de Lévi-Strauss. Il est clair que Cameron n’a jamais lu Tristes tropiques — son public non plus. Au-delà de tous ces discours et de ce pipeau politiquement correct (wouah la parodie de la guerre d’Irak, la phrase sur “la guerre à la terreur”), c’est juste un ride où on se balade dans une forêt fluo en regardant les beaux champignons roses et les belles méduses volantes.

Pour finir, quelques extraits du dossier de presse qui m’ont beaucoup plu :

- Avatar vous entraîne dans un univers qui repousse les limites de notre imagination”. Parle pour toi, James !

- “Avatar offre une expérience cinématographique unique”. Pas autant que Shirin de Kiarostami où on était deux à la projo de presse !

- “Une technologie révolutionnaire inventée pour le film qui laisse toute sa place à l’authenticité émotionnelle des personnages, pour une immersion totale du spectateur dans l’intensité de l’histoire”. On ne se lasse pas de ce verbiage publicitaire pondu par des marchands de jouets !

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