3.2.10

---écoute---

longtemps j'ai cru que la musique de film allait disparaître. Je pensais que c'était une survivance vieillotte, un truc malhonnête pour provoquer l'émotion, un adjuvant, un gimmick pour pallier l'absence de style et d'atmosphère. Et puis elle est revenue au galop. Plus déplorable que jamais. Le pire c'est que personne ne semble y faire attention. Moi ça m'écorche les oreilles. La plupart des réalisateurs semblent être des infirmes dans ce domaine, des incultes. Je pense qu'ils doivent écouter soit des tubes style Britney Spears, soit de la variété gnangnan style Vincent Delerm, soit du rock-pop style Phœnix ou Placebo… Bref, la musique de film française, vaguement néo-classique, est la pire du monde. De très bon aloi, comme on dit, avec beaucoup de musique de chambre où le hautbois où la clarinette font leur loi. Moi ça me gâche la plupart des films. Le problème de cette musique c'est qu'elle est vieillotte et insipide, académique à pleurer (exemples entre mille : Gabriel Yared ou Alexandre Desplat). Je ne comprends pas pourquoi, quitte à mettre du classique, on ne va pas piocher dans le répertoire, qui est immense et infiniment meilleur. Kubrick a su le faire de façon magistrale (Godard aussi, parfois). Qu'on s'en inspire ! C'est d'ailleurs grâce à lui que j'ai découvert Ligeti ou Penderecki (que j'ai vu diriger au théâtre du Châtelet !). Après, Kubrick m'a un peu gâché la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartok dans Shining, mais c'est parce que je connaissais déjà le morceau et je l'aimais trop pour que j'admette qu'on l'utilise dans un film. Parfois les images gâchent la musique… Bref, en France c'est la nullité absolue. Aux Etats-Unis, où de très grands musiciens se sont réfugiés au XXe siècle (Bartok et Schönberg par exemple), c'est moins dramatique. Tout n'est pas nul. On a le choix. J'ai très souvent été bluffé par des musiques de séries policières ou de téléfilms américains, très proches de la musique sérielle et atonale. Il faut dire qu'une grande partie de la musique classique du XXe siècle, dite contemporaine, est dissonante et se prête facilement au cinéma d'horreur ou d'angoisse… J'ai déjà parlé du génie de l'orchestration de Michael Giacchino (Lost).
En revanche dans les pays de l'Est, la flamme semble être restée intacte. Il faut dire que c'est un des grands viviers de la musique contemporaine (cf. les exemples précédents : Bartok, Ligeti, Penderecki). Mais peu de films nous parviennent de ce côté là de l'Europe où la production est exsangue. J'ai toujours adoré le travail, à mi-chemin entre tradition populaire (rôle important de l'accordéon) et modernité, de Mihaly Vig (ou Vig Mihaly à la hongroise), le musicien attitré de Béla Tarr. Acteur fascinant de surcroît puisqu'il joue un des rôles principaux de Satantango. Je crois avoir même tenté de lui envoyer un mail pour lui signifier mon admiration. Naïvement j'étais persuadé qu'il allait devenir célèbre, qu'on allait se l'arracher partout. Mais non, il continue à végéter en Hongrie… C'est désolant. Pendant ce temps, Alexandre Desplat fait la musique d'Harry Potter et du prochain Terrence Malick ! Autre exemple que je cite parce qu'il est encore frais dans mon esprit : Tatarak, le dernier film du vétéran Andrzej Wajda. Ce n'est pas mon cinéaste de chevet, mais le film a quelques beaux moments. Et la musique, très simple, est souvent passionnante. Parfois c'est presque rien : quelques notes de piano, quelques frottis de cordes. Au moins il y a de l'inattendu, des demi-tons, des pianissimo. Bref, des pleins et des déliés. Ce n'est pas du sous-sous Mozart au kilomètre qu'on pose sur le film comme du papier peint. Ah oui, le nom du musicien : Pawel Mykietyn. Encore quelqu'un qui rame malgré son talent évident. En quinze ans il n'a même pas travaillé sur dix films. Même en France on peut trouver des musiciens intéressants (comme Hervé Zénouda, qui navigue entre les genres et a travaillé sur quelques courts métrages)

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