k depuis le surréalisme,au moins, on vénère le cinéma hollywoodien, lui trouvant des vertus esthétiques cachées. Cette vogue ne s'est interrompue que brièvement, en 1939-45, et au début des années 1970. Aujourd'hui, c'est non seulement le cinéma mais les séries télés (exclusivement) américaines, qui font l'objet d'un véritable culte. D'un autre côté, le cinéma dit indépendant, c'est à dire fauché et non hollywoodien est légèrement dédaigné. Ce qui est étrange c'est que ce phénomène n'a pas cours en dehors des Etats Unis. Il y a deux poids deux mesures. Même si certains snobs ont avoué un penchant pour Derrick, ça n'est jamais allé très loin. Idem pour les telenovelas, les séries nippones, espagnoles ou même françaises. Ça n'existe pour personne. Idem pour le cinéma populaire non américain : personne ne fait d'analyse byzantine de Bienvenue chez les Chtis, Coco, ou Lol dans Trafic ; idem pour le Russe Night Watch (film fantastique qui a cassé la baraque au pays de Poutine) ; idem pour le Nippon 20th Century Boys, plus gros budget du cinéma japonais, sorti en catimini en France. Étrange. Mais des pavés anglo-saxons à gros sabots comme Quantum of Solace ou Gran Torino sont respectés et émoustillent l'intelligentsia. Bref, l'art populaire américain serait le seul à avoir une plus-value esthétique. Pour ma part, je n'ai pas un avis aussi tranché. Je me considère comme plus raisonnable et moins bêlant. Si je préfère Quantum of Solace à Night Watch, c'est très relatif ; quelques mois après il faut avouer qu'il ne reste rien du dernier James Bond, qui s'est évanoui comme neige au soleil dans notre esprit, malgré les hectolitres d'encre qu'il a fait couler lors de sa sortie. J'ai même oublié le nom de son réalisateur (certainement un génie méconnu). Serions nous totalement asservis (drogués ?) par la machine commerciale américaine ? Il est légitime de se le demander. Certes, plusieurs récentes séries américaines sont très excitantes, mais pas plus que le cinéma allemand, qui se régénère sérieusement depuis une dizaine d'années. A mon sens, il n'y a guère d'invention (autre que scénaristique) dans ces séries, dont certains encensent parfois la mise en scène, comparant même des plans à du Ozu (lol). Je ne jetterai pas la pierre à ceux qui le font, puisque je fus jadis un des premiers à écrire sur une série dans une revue cinéphilique (sur Twin Peaks, que je suivis scrupuleusement, allant chaque semaine en visionner des épisodes dans les locaux de la chaîne qui le diffusait), alors qu'à l'époque on ne prenait pas ça au sérieux. Pourtant je ne vois là aucune révolution créative. Ce qui me frappe c'est le caractère incroyablement éphémère des séries (à part l'indéboulonnable Urgences, qui n'excite plus personne), qui entraîne (ou résulte d')un irrépressible désir de nouveauté. X-Files a été supplanté par 24 heures chrono, qui a été supplanté par Les Soprano, qui a été supplanté par Lost, qui a été supplanté par Heroes, qui a été supplanté par Mad Men ou The Wire. So what ? David Duchowny est rentré dans le rang, passé à une autre série (Californication). Il a perdu son aura initiale. Idem pour Kyle MacLachlan, le Dale Cooper de Twin Peaks, pitoyablement recyclé dans Desperate Housewives. Les réalisateurs, il n'y en a pas. Ou plutôt, ils sont interchangeables (on peut tourner un Nip/Tuck et enchaîner le lendemain sur Hung, ou passer sans encombres d'Urgences à Southland). Cela a-t-il donné lieu à une mythologie, à une téléphilie, à une littérature critique voire universitaire, comme ce fut le cas pour le cinéma ? Il semble que non. Quel est l'ouvrage de référence sur les séries ? C'est un anti-cinéma d'auteur, en proie au recyclage chronique. Aucun festival non professionnel ne célèbre les séries et leurs auteurs. Ça reste un produit domestique sur lequel il est de bon ton de s'extasier en privé ou à la cantonade, en se gaussant du fait qu'on a vu une nouvelle série qui déchire et que personne ne connaît encore (on fait le coup à chaque fois). Bref, on a atteint la limite de l'engouement canaille pour l'art industriel et populaire, puisque cette fois on ne se donne même plus la peine de lui accorder des lettres de noblesse, comme le firent jadis les surréalistes pour Peter Ibbetson, ou les critiques des Cahiers pour les films commerciaux de Hawks et Hitchcock. D'un autre côté, lorsqu'on parle de cinéma philippin, indonésien, thaïlandais, chinois, allemand, mexicain, on ne s'intéresse quasiment jamais aux productions grand public de ces pays, mais à leurs auteurs à l'ancienne, c'est à dire aux cinéastes esthètes issus d'école d'art (genre Weerasethakul, Wang Bing, etc.). Curieuse dichotomie, qui frise la schizophrénie. Je ne dis pas que je n'y participe pas un peu aussi (moins que la moyenne), mais au moins je me pose la question. Il est certain qu'ayant vu pas mal de films de Bollywood, j'avoue qu'à part les anciens (Raj Kapoor ou Guru Dutt), ils n'arrivent jamais à la cheville des classiques savants de Satyajit Ray ou Ritwik Gathak.
Le corollaire de cette attitude, et que je constate de plus en plus, c'est une désaffection grandissante de la critique française (et des médias) pour le cinéma non-américain ou non-français
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